L’évangile d’aujourd’hui (Mt 18, 15-20), c’est l’enseignement de Jésus sur les exigences de la vie fraternelle. On ne peut pas vivre sa foi sans cette dimension. L’enseignement de Jésus part de l’interrogation des disciples : Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux. Mais Jésus va ramener ses disciples sur terre ! La réalité du royaume des cieux se vit déjà concrètement au milieu de nos frères et sœurs. La réponse de Jésus à ses disciples sera de placer un petit enfant au milieu d’eux. Le plus grand dans le royaume des cieux, c’est celui qui se fera petit comme ce petit enfant… Le petit enfant, c’est celui qui est totalement ouvert à la vie, qui est prêt à tout recevoir des autres. Au-delà des besoins de sa vie biologique, le petit enfant, dans son innocence, est en quête d’amour : il est en naturellement fait pour cela. Il le manifeste par son sourire avant même de pouvoir faire des actes libres. Mais rester dans l’innocence du petit enfant toute sa vie… cela n’a pas de sens, il doit sortir de son état fusionnel ! Nous l’expérimentons tous : Dès la plus tendre enfance, nos relations nous blessent, alors nous nous fermons à l’amour pour ne pas souffrir, et à notre tour nous blessons les autres ! En famille, en communauté, entre amis, nous sommes inévitablement à la fois victime et coupable. Nous le reconnaissons au début de chaque messe: nous avons péché, nos relations ne sont pas complètement habitées par la charité, par l’amour de Dieu et du prochain. Redevenir innocent comme ce petit enfant que Jésus met au milieu de ses disciples, complètement ouvert aux autres, passe par le pardon et la réconciliation. C’est l’enseignement de Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Il est plein de bon sens, et d’humilité.
Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul.
S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Lorsqu’un frère nous blesse, il ne faut donc pas aller le faire savoir à tout le monde, car nos paroles réduiront injustement ce frère à son péché. Parler seul à seul donne la possibilité au frère de nous écouter sans regard extérieur jugeant … Cela nous oblige aussi à dire les choses fraternellement. Cela demande un effort d’aller dire à quelqu’un qu’on a été blessé, le frère pourra reconnaître dans cette démarche une attitude humble et fraternelle, et si son péché nous a blessés, il a aussi certainement troublé celui qui l’a commis. Grace à cette écoute mutuelle : c’est gagné, le différent est réglé, l’unité est rétablie, nous avons gagné notre frère dit Jésus. Le péché, c’est toujours un péché contre l’unité. Jésus continue : Si le frère ne veut pas écouter, il faut faire appel à un ou deux témoins. Le témoin ne juge pas non plus, il reste factuel afin que les frères puissent reconnaître objectivement ses actes. Mais si la conscience du frère reste enténébrée, et qu’il refuse d’écouter l’enseignement de l’Église alors on ne peut plus rien faire pour lui, il s’est enfermé dans sa propre logique. La conclusion de Jésus est dure : s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. La conclusion est dure parce que Jésus ne veut pas que ces disciples se compromettent avec le péché. Pourtant le frère pécheur pourra toujours s’il le désir revenir dans l’Église. L’Église, c’est l’Église du Christ... elle fait toujours miséricorde.
Enfin Jésus poursuit par l’injonction qu’il avait déjà faite à Pierre : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.
Dieu a donné à ses disciples le pouvoir de rétablir leur unité… Au livre de la genèse, après le meurtre d’Abel par Caïn, le Seigneur dit à Caïn : "Où est ton frère Abel ?", Il répondit : "Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère?" Nous sommes les gardiens de nos frères… mais pas leurs geôliers comme ironise Caïn ! A chaque fois qu’il y a une réconciliation entre deux personnes, c’est la charité qui grandi. Alors entre frères, toute dette est effacée sauf celle de l’amour mutuel. Là où est l’amour, Dieu est présent, c’est le sens des paroles finales de Jésus : quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. C’est toujours au nom de Jésus, que nous nous établissons dans l’unité et la paix.
Au-delà de notre conscience et de ses limites, le Christ est avec nous particulièrement au cours de l’eucharistie pour nous rétablir dans son amour et sa vérité. S’il y a quelqu’un qui est vraiment le gardien de ses frères, c’est bien le Christ-Jésus. Et nous lui devons une dette bien plus grande que celle de l’amour mutuel, celle de notre Salut.
Amen
P. Pascal Desbois