Dans ces textes d’aujourd’hui autour du pardon et de ce qui est juste, il y a les termes des protagonistes qui sont intéressants. Pour qu’il y ait pardon, il faut être au moins deux. Dans le livre de Ben Sira, l’autre est appelé le prochain et le semblable : « Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait » dit Ben Sira. « S’il n’a pas pitié pour son semblable, comment un homme peut-il supplier pour ses péchés à lui ? »
L’autre, c’est notre semblable, nous sommes de la même condition, et Jésus, qui a pris notre condition humaine, dira que nous sommes de la même famille, nous avons tous le même Père du ciel. Et le prochain, c’est celui qui est proche de nous, et Jésus nous dira de nous rapprocher de lui. Il y a le prochain qui est là par proximité, mais Jésus nous demande de ne pas en rester là, de nous rapprocher toujours plus de celui qui est notre prochain, en particulier celui ou celle qui est en difficulté, qui a besoin de notre aide.
Et Pierre dans l’évangile, pose la bonne question à Jésus : « Lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Il parle de frère. C’est bien cette relation fraternelle que nous devons avoir avec l’autre, le semblable, le prochain. Et la réponse est déjà dans la question : Puisqu’il est un frère ou une sœur, on doit lui pardonner. Ca ne veut pas dire que c’est facile. Et les histoires de famille nous disent que le pardon et la réconciliation sont peut-être encore plus difficiles en famille qu’à l’extérieur, mais la fraternité reste le point de départ du pardon.
Dans la parabole que donne Jésus, ce n’est pas un rapport de frères mais de maitre à serviteur. Le maitre est plein de compassion pour son serviteur et lui remet sa dette. Alors que le serviteur est cruel avec son compagnon. Il ne le considère pas comme son semblable et encore moins comme son frère. Il ne pense qu’à lui et n’essaie pas de prendre exemple sur la compassion de son maitre. Aussi son attitude égoïste va se retourner contre lui.
La Bible depuis le début essaie d’enrayer le cycle de la violence et Ben Sira déjà veut détourner ses semblables de la vengeance et de la colère. Il insiste sur la pitié pour l’autre plutôt que la vengeance.
Surtout la Bible insiste sur la notion de péché. Le péché, ce n’est pas que une faute, cela vient du cœur, c’est le cœur qu’il faut soigner. Et seul Dieu peut nous donner la guérison par son pardon. Et nous l’expérimentons. Nous qui croyons en un Dieu qui nous aime et qui nous pardonne, nous qui bénéficions de son pardon, qui guérit notre cœur, nous ne pouvons pas garder cette source d’amour et de paix pour nous-mêmes. Nous qui recevons le pardon de notre Père du ciel, par l’intermédiaire de Jésus, nous devons être aussi des artisans de paix et de pardon envers nos semblables qui sont nos frères.
Jésus nous dit comme à Pierre de pardonner jusqu’à 70 fois 7 fois notre frère, c’est-à-dire que ce n’est pas la peine de compter. Il ne faut pas limiter notre pardon, il faut toujours y revenir, même si le nœud à dénouer est particulièrement serré, même si le cœur est particulièrement atteint par le péché de l’autre. Jésus nous aide sur ce chemin qui est parfois un chemin de croix.
« Nous vivons pour le Seigneur… Nous appartenons au Seigneur » nous dit St Paul. Nous appartenons aussi à la même communauté, une communauté de frères et de sœurs. Aidons-nous à vivre le pardon, à être témoins d’un Dieu de miséricorde qui est plein de compassion pour chacun de ses enfants, qui veut nous sortir de la misère du péché pour nous offrir son Royaume.
P. Jean-Christophe Cabanis
Si 27, 30 – 28, 7 ; Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 9-10, 11-12 ; Rm 14, 7-9 ; Mt 18, 21-35