Nous connaissons bien ce récit évangélique. Il enchâsse deux guérisons miraculeuses. Celle de la fille de Jaïre, un des chefs de la synagogue. Personnage connu, entouré, accompagné et certainement apprécié. Et puis il y a cette femme, invisible au milieu de la foule, souffrant de son mal en solitaire. Pour ces deux femmes, il y a une urgence vitale :
• La fille de Jaïre si jeune est à la dernière extrémité.
• La femme hémorroïsse quant à elle ne peut pas transmettre la vie.
C’est ici la vie tout court qui est en danger : la vie elle-même et sa transmission… l’une va pas sans l’autre! Deux guérisons donc en lien, préfiguration du salut des hommes. Dans l’histoire du Salut, la vie comme la foi se reçoivent de Dieu et se transmettent par les hommes pour finalement les unir au Christ.
Mère Teresa dit dans une prière : la vie est une aventure, ose-la ! On peut dire la même chose de la foi : la foi est une aventure, ose-la ! La vie comme la foi, c’est d’abord un élan qui nous porte vers l’indicible, vers l’inconnu. C’est Jaïre qui tombe aux pieds de Jésus le suppliant instamment d’imposer les mains à sa fille pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. C’est cette femme qui ose affronter la foule pour simplement toucher le vêtement de Jésus et être sauvée, se dit-elle intérieurement. La vie comme la foi se transmettent de générations en générations avec la grâce de Dieu… et ce sont les femmes qui en sont les gardiennes.
Dans cette aventure tout commence par un acte d’audace. L’audace, c’est aller au-delà de sa limite, c’est être en croissance, découvrir un monde que l’on pressentait mais qui n’existait pas encore pour nous. La première audace, c’est celle de Dieu qui donne la vie à l’homme. Dieu a mis sa foi en l’homme créé libre ! Dieu s’est rendu dépendant de l’homme par amour. L’audace des hommes est de répondre à cet amour par la foi, l’homme se rend alors dépendant de Dieu par amour. L’ultime audace conduisant à la certitude d’être déjà sauvé ! C’est l’audace de Jésus à Béthanie pour son ami Lazare ! Nous, nous n’avons jamais une telle audace dans nos prières. Notre audace reste à la hauteur de notre foi. Pourtant dans l’évangile, cette audace habite les deux demandes : le chef de la synagogue et la femme demandent d’abord et avant tout le Salut.
Le Salut : c’est quand la foi et la vie se conjuguent ! Elles nous conduisent alors au Christ. Pour la femme, c’est toucher le vêtement de Jésus. Pour Jaïre, il faudra faire un acte de foi plus audacieux puisque tout semble être perdu pour sa fille. C’est Jésus lui-même qui lui va le lui suggérer : "Ne crains pas, crois seulement". Croire en Jésus, c’est croire qu’il possède la vie en lui. La foi devient alors contact avec le Christ qui donne la vie. Le Christ se laisse touché par la femme, il lui redonne de transmettre la vie ! Le Christ touche la fille de Jaïre en lui prenant la main pour la relever. C’est tout le réalisme de la foi chrétienne : contact entre Jésus et les hommes. Ce contact conduit à une rencontre personnelle. Alors la femme vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Sa guérison physique devient signe d’une guérison plus profonde et totale : celle du salut. Jésus le confirme : "Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal".
La vie, la foi et le salut sont constitutifs du même projet bienveillant de Dieu. Pour apporter le Salut au monde, il fallait que le Dieu vivant se fasse homme, vivant parmi les hommes. C’est l’intuition de cette femme : "si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée". La vie, la foi et le salut sont en fait inséparables : "Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité", dit le livre de la sagesse.
Les deux récits enchevêtrés racontent donc une seule et même histoire : celle de la vie humaine promise au salut par la foi en Jésus-Christ. Cette histoire, c’est celle de l’Église à qui le Christ prend sans cesse la main pour la relever, comme il l’a fait pour la fille de Jaïre. L’Église du Christ qui se nourrit du sacrifice eucharistique dans lequel la vie, la foi et le salut se conjuguent. Aujourd’hui, nous célébrons cette Église, notre Église paroissiale de Colomiers. Messe aux milles couleurs pour montrer mille reflets de la foi, mille reflets de la vie de celui qui vit en nous… Alors dans notre eucharistie d’aujourd’hui, demandons avec audace de vivre de plus en plus de ce mystère qui nous rend à notre vie véritable et qui fait de nous une communauté humaine et croyante : une communauté chrétienne ! Amen.
P. Pascal Desbois