Depuis la nuit des temps, la brebis est un précieux compagnon pour l'homme : elle lui fournit nourriture et vêtements… Mais elle lui fournit surtout une image de lui-même ! La ressemblance est flagrante : une même fragilité, un animal grégaire, condition de sa survie, dépendante des autres brebis et du berger qui les guide. La figure du troupeau est présente dans l’Évangile dès la nuit de Noël avec les bergers venus les premiers adorer l'enfant Jésus, comme un clin d’œil à cette image : les bergers viennent adorer le bon pasteur ! Puis Jésus utilisera cette image dans la parabole de la brebis perdue, brebis qui figure l'humanité toute entière. L'image du troupeau lui vient à l'esprit quand il voit les foules fatiguées et abattues, comme des brebis sans berger... ce qui aura pour effet l'envoi en mission des disciples chez St Matthieu et la première multiplication des pains chez St Marc.
L'unique berger, le bon pasteur, n’est déjà plus une image, il est à l’œuvre durant sa vie publique. Il guérit, il enseigne, et les près d’herbes fraîches… il connaît ! Mais ne nous y trompons pas : malgré le caractère grégaire de la brebis, Jésus ne nous propose pas de construire une culture de masse, il ne s'agit pas ici de mouton de Panurge : avec le bon pasteur c'est du cousu main ! Le bon pasteur connaît ses brebis et ses brebis le connaissent, nous dit l’Évangile. Nous savons la force du verbe « connaître » dans l’écriture : il s'agit donc d'une relation profonde, vitale entre lui et chacune de ses brebis… Avec le bon pasteur, c’est une question de vie ou de mort ! En fait les brebis lui appartiennent, c'est-à-dire qu'elles font partie de lui et c'est pour cela qu'il ne peut pas les abandonner. Il donne sa vie pour chacune d’elle, à l’inverse du mercenaire qui les laissera tomber pour sauver sa peau quand le loup arrivera.
Le bon pasteur ne plastronne pas pour autant, il est proche de chacune de ses brebis et les défend toutes… Il est là au milieu d’elles… pour les servir. En s'incarnant, le verbe est venu habiter parmi les hommes… Il est venu en tenue de service et il accomplit sa mission en donnant sa vie ! Il donne sa vie de lui-même pour chacune de ses brebis, nous dit Jésus, et il a le pouvoir de la donner et de la recevoir à nouveau de son Père car il fait toujours sa volonté, et c'est pour cela que son Père l'aime. C'est par le don de lui-même, par le don de sa vie à la Croix, qu'il guide et accroît son troupeau. Le lien essentiel, vital, entre lui et chacune des brebis vient de l’amour infini qui l'unit à son Père. Entre lui et son Père, l’amour et la vie se confondent…
Dans notre condition terrestre, notre relation au Seigneur est encore parcellaire, mais Il nous guide mystérieusement par sa grâce, c'est-à-dire en nous donnant sa vie continuellement. Il nous guide vers notre identité d'enfant de Dieu qu'il nous faut découvrir de plus en plus comme nous dit St Jean dans la 2eme lecture : Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu. Et St Jean conclut que nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.
Dans l’Évangile de dimanche dernier, le Christ ressuscité vient au milieu de ses disciples et il en fait ses témoins : à vous d’en témoigner, termine le Christ ressuscité. Au milieu de ses premières brebis, le bon pasteur est donc à l’œuvre et ses disciples sont en communion… Ils ne sont plus grégaires par peur du loup, ils forment une communauté car ils connaissent et recherchent sans cesse leur bien commun. L’unité, la communion de l’Église, vient de la pierre angulaire. Et cette pierre angulaire, c’est le bon pasteur : le Christ ressuscité… Faire de chacun de ses enfants un témoin de sa résurrection, c’est le projet bienveillant de Dieu. Et c’est par le témoignage partagé des uns et des autres que Dieu réalise son projet...
Alors de quoi s’entretiennent les brebis d’un troupeau ? Probablement d’herbe fraîche ! De verts pâturages. De quoi s’entretiennent les chrétiens ? De leur rencontre personnelle avec le Christ, avec celui qui les conduit vers leurs pâturages intérieurs ! Nous en avons fait l’expérience : la foi chrétienne fait de nous des témoins du Christ ressuscité. Être témoin c’est toujours mourir à soi-même pour vivre de la vie de celui dont nous témoignons ! Les saints ont tous fait ce chemin et nous savons l’importance de leur témoignage pour la conversion des pécheurs que nous sommes ! Pour n’en citer qu’un seul : Lire la vie des Saints a conduit Ignace de Loyola à en devenir un illustre ! Pour nous, plus modestement, le témoignage passe certainement par une vie marquée par la charité. Mais notre manière d’être prend sa source dans un lieu de croissance spirituelle, et ce lieu de croissance spirituelle se nourrit de la Parole de Dieu : méditer, partager, contempler la Parole de Dieu… la prière devient alors un entretien avec ce Dieu dont on se sait aimé, comme l’a dit une autre sainte espagnole : Ste Thérèse d’Avila.
Ces lieux bénis en nous, ce sont ces fameux prés d’herbes fraîches dont s’entretiennent les brebis… Elles écoutent ma voix, dit Jésus dans l’évangile. Le partage fraternel, c’est le lieu béni de l’Église, celui qui évangélise car il manifeste la présence du Bon Pasteur dans notre monde.
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour !
Amen
P. Pascal Desbois