« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi » Nous connaissons cette injonction de jésus. Nous la retenons parce qu’elle est déstabilisante : On a l’impression que Jésus se met en concurrence avec nos parents, ou encore avec nos projets personnels.
Jésus semble nous demander d’abandonner tout ce qui fait notre existence humaine. Le 4ème commandement ne nous dit-t-il pas ? tu honoreras ton père et ta mère afin d'avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne.
Aimer ses parents, c’est assurément un bon début pour avoir une vie construite et heureuse. Jésus ne nous demande certainement pas de ne pas construire notre vie, de ne pas avoir de projet, et encore moins de ne plus aimer ses parents ni personne…
C’est contraire au commandement de l’amour du prochain… Par cette injonction musclée, Jésus veut nous faire découvrir et intégrer petit à petit une nouvelle dimension.
Cette nouvelle dimension est intérieure : c’est précisément intégrer sa présence en nous… et c’est cela être digne de lui. C’est la dimension de la foi. Être digne de lui, c’est se laisser guider de l’intérieur pour lui permettre de purifier nos propres désirs toujours empreint d’égoïsme.
C’est seulement à cette condition que nous devenons à sa suite quelqu’un qui comme lui qui fait la volonté du Père. Quelqu’un de libre car tourné vers la Vérité. C’est pour cela que notre relation à Jésus est toujours crucifiant. La lettre au Romain est édifiante :
Par le baptême nous avons été unis au Christ Jésus,
pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ.
nous avons été mis au tombeau avec lui pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts.
Nous devons donc sans cesse renoncer à « n’être que nous-même » pour être toujours ouvert à l’autre, vivre toujours dans l’altérite : Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.
Il faut s’en remettre au Christ car il est notre seul bien véritable : c’est par lui et dans l’Esprit que toute notre vie s’harmonise et prend sa consistance. Mettre le Christ au centre de sa Vie, ou plutôt le laisser advenir en nous, demande un acte de foi.
La foi commence toujours par une grâce que Dieu nous donne. C’est en relisant certains événements plus particuliers de notre vie, des événements qui nous parlent, que nous comprenons la présence de Dieu. Nous sommes alors de plus en plus sensibles à cette présence, elle nous édifie. Dieu est plus intime à nous-même que nous-même avait dit St Augustin.
Jésus prononce ces injonctions à la fin de son deuxième discours dans St Matthieu : Le discours sur l’envoi en mission. Jésus choisi ses apôtres et leur donne les consignes pour la mission. Renoncer à l’autosatisfaction, c’est bien ! Mais il faut un acte de foi en Jésus pour nous ouvrir à l’autre. L’acte de foi doit donner du fruit sinon nous retombons très vite dans l’autosatisfaction ! Jésus va nous donner quatre ouvertures à l’autre :
- Tout d’abord, l’ouverture au Christ lui-même. Elle est conditionnée par la réciprocité :
Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
La foi provoque toujours une réponse chez l’autre, l’écoute et l’accueil mutuel fera grandir la foi de chacun. Partager sa foi est essentiel pour un chrétien. C’est une première ouverture. - Puis c’est l’accueil des événements de la vie comme providentiel :
Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aime ! (femme de la 1ere lecture)
Le Seigneur fit pour moi des merveilles s’écrit la Vierge Marie dans son magnificat. - Accueillir un juste, c’est accepter d’être enseigné.
Nous apprenons tout des autres, et surtout de ceux qui ont l’expérience de la vie. - Enfin accueillir un pauvre dans le geste le plus simple… Jésus lui-même nous dit :
il ne perdra pas sa récompense.
La plus petite ouverture faite pour l’amour du Christ est connue et aimée de Dieu !
Dieu seul peut juger les cœurs.
C’est en étant « comme éjecté » de notre ego que nous devenons dignes de Jésus. Nous sommes alors mort avec lui au péché affirme St Paul. Et cela pour mener une vie nouvelle comme Lui qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts affirme St Paul.
De la justesse de notre relation au Christ découlera la vérité de notre vie… Jésus n’est pas en concurrence avec notre liberté, bien au contraire il l’éclaire. C’est en mettant le Christ au centre de notre vie intérieure (prière, parole, sacrements etc…) que l’on aime véritablement ses parents, ses enfants, ses amis… que l’on fait de vrais projets… que l’on aime sa vie…
Mettre le Christ au centre, c’est la meilleur façon de se décentrer de soi… nous en faisons l’expérience à chaque fois que nous aimons et nous mettons également le Christ au centre à chaque eucharistie. Il y a une oraison de conclusion de la prière universelle qui demande cet esprit d’abandon au Christ : Seigneur donne-moi la claire vision de ce que je dois faire et la force de l’accomplir… C’est mettre le Christ au centre.
Amen.
P. Pascal Desbois