Depuis deux dimanches nous sommes dans les vignes… c’est de saison ! Mais pas n’importe quelles vignes ! Dans les vignes du Seigneur ! Jésus utilise souvent ce symbole. Un symbole taillé pour nous : Un cep quasi immortel et des sarments accrochés à ce cep. Des sarments qu’il faut travailler années après années, ainsi la vigne se bonifie et fructifie. Il n’y a pas meilleur symbole pour donner une vision du Dieu créateur et provident face à une humanité faite pour coopérer avec Lui et qui ne le fait pas toujours. Les projets humains se réalisent dans nos vies d’hommes et ils produisent des fruits pour notre vie d’ici-bas. Mais ce projet bienveillant de Dieu transcende tous nos projets humains et il ne se réalisera pleinement qu’en Dieu.
Cette vigne de la parabole appartient à un propriétaire : c’est lui qui l’a planté, c’est Lui qui l’a voulue et qui l’a créé. Il la protège avec un tour de garde et creuse un pressoir pour faire du vin. Ce propriétaire a bien fait les choses et il a un projet ; ce projet est que sa vigne porte du fruit. Cette vigne magnifique, le propriétaire la confie à des vignerons qui devront travailler à faire fructifier son domaine pendant que lui se retire en voyage, dit la parabole. Notre vocation d’homme : c’est de travailler à la vigne du Seigneur en toute liberté… Pour cela, le propriétaire part en voyage, le créateur est le Tout Autre… insaisissable. Mais le propriétaire étant absent, les vignerons vont s’approprier la vigne. Folie de ses vignerons qui ne reconnaissent pas le don de la vie et qui, comme pour masquer leur égoïsme, cultivent l’inimitié à l’égard du donateur. Aveuglement de ses vignerons qui se font propriétaires ! Dérisoires propriétaires de leur vie et de ce qu’elle leur rapporte ! Alors pour eux, plus question d’écouter les serviteurs venus pour se faire remettre le produit de la vigne : pas question de reconnaître qu’ils ne peuvent pas disposer de leur vie selon leur bon plaisir… ils se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième. Le propriétaire, quant à Lui, défend son bien avec beaucoup de patience : Il envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais on les traita de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘Ils respecteront mon fils. Les vignerons passeront outre… de propriétaires, ils se feront héritiers ! De l’usurpation de bien, ils passeront à l’usurpation d’identité…
A sa vigne, Dieu ne veut ni propriétaire, ni héritier, mais des ouvriers ! Des ouvriers qui travaillent patiemment à sa vigne, dans l’Amour du travail bien fait. La condition du travail bien fait : c’est d’aimer la vigne. Dans l’évangile selon St Jean, Jésus va transformer de l’eau en vin… le meilleur. Et il ajoutera plus tard : sans moi vous ne pouvez rien faire. Dans l’image de la vigne, le cep c’est Lui : mais le Fils, l’héritier, c’est Lui aussi … Il est celui, à qui les hommes doivent être reliés pour exister et donner le fruit qui lui revient. Il est en fait celui que les hommes doivent aimer ! En tuant l’héritier, les vignerons scient la branche sur laquelle ils sont assis !…
La parabole nous fait entrer dans la profondeur de notre relation à Dieu : jésus est la vigne et restera toujours ce cep qui en est le cœur et à qui les sarments, c’est à dire les hommes sont reliés, et cela malgré le meurtre du Fils, de l’héritier par ces mêmes hommes ! Le sacrifice de l’héritier deviendra la pierre angulaire du projet bienveillant… Les vignerons homicides… c’est nous ! Nous tuons l’héritier à chaque fois que nous pensons ou agissons pour nous-même. A chaque fois que nous vivons pour nous-même et ne faisons pas la volonté du Père.
Ce sont nos péchés qui tuent l’héritier !
Pourtant et malgré cet homicide mainte fois perpétré, nous restons toujours liés au Christ comme les sarments au Cep. La vigne du Seigneur : c’est le lieu de la miséricorde. Cette miséricorde, nous la recevons à chaque Eucharistie. A l’offertoire, on présente le vin qui va être consacré comme le fruit de la vigne et du travail des hommes, qui deviendra pour nous le vin du royaume éternel. La vigne du Seigneur : c’est notre vie quand elle s’ouvre à ce qui nous dépasse et nous fait grandir, c’est quand la vie n’est que « vie reçue et vie donnée »… son fruit est pour plus tard… il est pour le Royaume éternel qui se réalise en Dieu et qui est déjà présent dans l’Eucharistie.
Alors, si nous renonçons à posséder cette vigne, nous y travaillerons comme de bons et simples ouvriers, elle donnera tout son fruit et son vin sera servi au festin des noces de l’agneau.
Amen.
P. Pascal Desbois