Du temps de Jésus, la vie quotidienne du peuple hébreux était régit par 613 commandements… Le docteur de la loi veut entraîner Jésus sur ce terrain légaliste qu’il connaît parfaitement… il veut le mettre à l’épreuve, c’est à dire mettre Jésus en contradiction avec la loi : Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? Mais le grand commandement ; celui qui résumerait la loi Juive ne peut pas être une disposition légale…
Jésus revient donc à la source de la loi déjà présente au livre du Deutéronome… Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. C’est la foi-confiance et la gratitude envers Dieu qui a libéré son peuple de l’esclavage… Jésus lui adjoint un second commandement semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il faut avoir foi en nous-même et en notre prochain. Et Jésus conclut : De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. Autrement dit : le salut des hommes et donc leur vie repose sur ce grand commandement : Aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même.
Dans l’ancienne alliance, le précepte de faire du bien aux autres existait déjà, la première lecture au livre de l’exode en fait mention :
. On n’exploitera pas l’étranger,
. On protégera la veuve et l’orphelin, etc.
Mais cela reste des dispositions légales, il s’agit ici de droit et de justice. L’amour du prochain dont parle Jésus : ce n’est pas d’aimer à la manière d’une obligation morale! C’est pour cela que dans ce commandement, l’amour du prochain et l’amour de soi-même sont liés ! Nous savons que du point de vue psychologique, si nous ne nous aimons pas suffisamment, nous ne pourrons pas entrer en relation avec notre prochain et donc l’aimer ! Ou à l’inverse, si nous avons une image un peu trop brillante de nous-même, c’est notre ego surdimensionné qui va envahir notre relation au prochain ! Mais ici, il s’agit de psychologie : l’Évangile n’est pas un manuel de psychologie !… S’aimer soi-même pour Jésus signifie autre chose de plus profond. Alors dans cet échange entre le docteur de la loi et Jésus, qu’y a t il de nouveau ?… Ce qui est nouveau, c’est que c’est Jésus qui le dit ! La loi devient la loi accomplie par Jésus ! Elle trouve en Lui sa raison d’être ; nous préparer à le rencontrer ; Et les prophéties se réalisent en Lui.
Ce grand commandement fait donc référence de notre relation personnelle au Christ. Ce qu’il y a de nouveau c’est que les hommes et les femmes que nous rencontrons deviennent nos prochains dans le Christ. Par le Christ, la loi légale est alors transformée par la grâce pour devenir charité. Le « s’aimer soi-même » du grand commandement ne vient plus d’une certaine tendance au narcissisme, « S’aimer soi-même » devient une relation personnelle au Christ. Cette relation donne à chacun sa juste place. « S’aimer soi-même » n’est plus alors une question d’ego plus ou moins cabossé, mais c’est aimer le Christ qui vit en nous ! Par le Christ, on passe du narcissisme à la contemplation… et ça change tout ! Il se développe en nous un dialogue intérieur qui vient du Christ lui-même. Silence, prière, sacrements de L’Église… c’est toujours le Christ qui se donne, qui nous guide en nous éclairant ! (Qui regardera vers Lui resplendira sans ombre ni trouble au visage dit le psaume 33)
Le docteur de la loi a bien fait de poser cette question à Jésus ! Le grand commandement : c’est d’aimer ! Il faut donc aimer l’amour ! Et aimer l’amour, c’est aimer le Fils bien-aimé révélé dans les évangiles. L’amour vient de Dieu, St Jean l’affirme dans sa première lettre ! On comprend pourquoi cette relation intime au Christ nous lie si profondément à notre prochain car cette relation, il la vit lui aussi comme moi ! Ce prochain est vraiment mon prochain par le Christ : il devient pour moi un bien précieux, une source à laquelle je peux m’abreuver. On l’appelle le sacrement du Frère.
Mais notre vie dans le Christ se nourrit encore plus fondamentalement du sacrement de l’eucharistie, source et somment de la vie de l’Église dit le concile Vatican II. C’est dans l’Eucharistie que nous accueillons chacun dans la foi la même présence pour former ensemble l’Église, Corps du Christ. L’amour fraternel vécu dans le Christ devient alors un amour universel qui dépasse le cercle de nos relations. Alors nourrit par cet amour universel et contemplatif, nous sommes dans l’action de grâce… c’est ce que signifie le mot Eucharistie !
Amen
P. Pascal Desbois
Ex 22, 20-26 ; Ps 17 (18), 2-3, 4.20, 47.51ab ; 1 Th 1, 5c-10 ; Mt 22, 34-40