L’épisode d’Élie, assis à l’ombre d’un buisson, demandant la mort, n'est pas sans nous rappeler celui de la manne au désert que nous lisions dimanche dernier. C'est un peu la même expérience : leurs chemins respectifs semblaient être bien engagés, presque faciles et tout tracés... par Dieu lui-même.
- Le Passage de la mer rouge à pieds secs pour les Hébreux,
- Le combat victorieux face aux prêtres de Baal pour Élie.
Portés véritablement par Dieu au début de leur chemin, leurs actions vont de réussite en réussite… mais leurs chemins se durcissent et semblent devoir aboutir à une voie sans issue :
- Pour les Hébreux, c'est la vie au désert qui devient impossible.
- Pour Élie, c'est la persécution de la reine Jézabel qui le pousse à s’enfuir.
Ils vont opter pour une attitude de repli :
- Les Hébreux vont être tentés de revenir en Égypte, se rappelant qu'ils y mangeaient à leur faim.
- Pour Élie, c'est la tentation d'abandonner la lutte.
Mais Dieu viendra à leur secours… Dieu réalise toujours le projet qu’il a pour chacun… il ne nous abandonne jamais au milieu du gué. Dieu va donc donner à chacun une nourriture bien consistante pour repartir ! Ces deux récits préfigurent deux expériences spirituelles libératrices que chacun de nous a faites :
- Cesser d'être l'esclave de nos propres péchés (expérience de la libération d'Égypte)
- Celle du combat contre les idoles qui nous assaillent (expérience d'Élie)
Deux libérations qui se heurtent inévitablement à nos limites humaines. Alors arrive la tentation de revenir en arrière ou d'abandonner la lutte. Notre vie chrétienne est souvent habitée par le sentiment d’être comme séparé, voire abandonné de Dieu… Certains spirituels parlent alors d’un moment de désolation, souvent douloureux à vivre humainement. Pourtant, c’est un temps de purification passive pour notre cœur… Dieu agit en creux ! Son action purificatrice ne dépend pas de notre volonté.
→ La foi en Jésus Christ est d’abord un don de Dieu le Père : Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, selon la parole du Fils bien aimé, Lui qui seul connaît le Père…
Pour faire avancer ses interlocuteurs qui récriminent contre lui, Jésus leur rappelle l’épisode de la manne au désert : Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; c’était déjà le pain de la vie, nourriture indispensable à la vie biologique, mais signe d’une autre nourriture : le pain vivant, nourriture indispensable à la vie éternelle, à la vie en Dieu. Le pain vivant : c’est une nourriture vivante ! On ne nourrit pas son Esprit comme on nourrit son estomac… La nourriture spirituelle, c’est une rencontre en vérité qui nous fait exister comme une personne. On en fait déjà l’expérience dans nos rencontres humaines pour notre vie d’ici-bas.
Mais le pain vivant, c’est notre rencontre avec le Christ, lui qui est descendu du ciel. Cette rencontre ne peut donc se faire sur le même mode qu’une rencontre humaine : li faut un acte de foi particulier, avoir une confiance absolue en celui qui se donne absolument… il faut s’abandonner… L’expérience de la manne au désert, ou encore celle du prophète Élie peuvent nous aider : Dieu réalise toujours le projet qu’il a pour chacun… et nous en avons tous un !
Notre foi, malgré ses limites, ne demande qu’à s’approfondir et nous pouvons aussi en être participant. Dans sa lettre aux Ephésiens, Saint Paul nous exhorte au combat spirituel face à l’esprit du monde : amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de notre vie. St Paul donne une clef pour cela : se rappeler que Dieu nous a pardonné en s’offrant en sacrifice. Il s’est livré lui-même pour nous et il est vainqueur des péchés des hommes en les portant lui-même... dans sa chair glorifiée !… C’est ce que nous demandons au début de chaque Eucharistie pour justement nous mettre en présence de Dieu humainement.
A la messe, nous venons avec nos limites face aux combats spirituels du moment. Mais si nous venons à la messe parfois épuisés, découragés ou peinés, nous y venons dans la foi en celui qui va nous nourrir mystérieusement de sa présence divine, par sa Parole et dans son Eucharistie… La nourriture que l’on y reçoit n’est pas une nourriture générique, chacun reçoit sa nourriture personnellement dans un cœur à cœur. Je peux vous livrer le témoignage d’une personne qui après avoir reçu la communion pour la première fois et revenant à sa place n’avait qu’un seul mot à l’esprit, un mot qui revenait spontanément en elle : merci merci merci !
Que cette eucharistie nous donne aussi de continuer notre chemin à la suite du Christ que nous soyons dans un moment de doute ou dans un moment de confiance.
Frères et Sœurs dans le Christ : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! ».
- Amen
Pascal Desbois