A l’Ascension, le Christ ressuscité a terminé sa mission dans le monde, il retourne dans sa Gloire auprès du Père. Mais s’il retourne vers le Père, c’est parce qu’il vient d’auprès du Père, qu’il est vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé.

Dans sa prière sacerdotale, Jésus intercède auprès du Père en faveur des disciples : "Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient uns, comme nous-mêmes". Le Nom donné au Fils par le Père à l’incarnation, c’est le nom de « Jésus », c’est-à-dire « Dieu sauve », et c’est aussi sa mission. En Dieu, donner un nom, c’est donner une mission ! Nous aussi, nous avons un nom en Dieu, nous avons donc une mission sur Terre. Participer à l’œuvre de Dieu donne le sens véritable de notre vie. Nous ne pouvons pas nous l’assigner à nous-mêmes, il faut la découvrir et l’accueillir. La mission de chacun des disciples prend sa source dans celle du Christ pour qu’elle participe du même projet bienveillant de Dieu. Pour cela, il faut que ses disciples soient unis par la même foi en son Nom. Notre mission est donc toujours relative à celle du Christ. Et c’est dans l’exercice de nos missions respectives que nous sommes unis en Lui.

Entre l’Ascension et la Pentecôte nous sommes au cœur de la circulation d’amour entre les trois personnes divines. L’unité des hommes prend sa source dans l’unité de la sainte Trinité. Le retour du Fils vers le Père à l’Ascension prépare la descente de l’Esprit-saint à la Pentecôte. Et l’Esprit-saint envoyé aux hommes par le Fils réalise leur unité dans le projet bienveillant du Père ! Cet amour trinitaire : c’est la raison d’être des hommes, la raison d’être de leur unité… Dieu ne peut pas les abandonner. Dieu est amour : "qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui", écrit St Jean. C’est cet amour qui nous fait pressentir notre véritable origine en Dieu.

Pour autant nous vivons dans le monde. Mais le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, dit Jésus dans sa prière. C’est la situation crucifiante du chrétien :

➢ De part son identité, il appartient à Dieu.

➢ De part sa vie, il est dans le monde auquel il n’appartient plus complètement.

Être dans le monde sans être du monde, telle est la situation du chrétien. Comment vivre dans cette situation ? La contradiction disparaît si on distingue le monde et Dieu pour ne pas voir le monde comme une totalité. Parfois on entend cet argument : si Dieu existait, il n’y aurait pas de mal dans le monde… Mais Dieu n’est pas le monde, il l’a créé pour manifester sa Gloire. C’est le monde qui a choisi de se replier sur lui-même ! Dieu ne crée que par amour et pour le bien de sa création. C’est le Christ qui nous le révèle à la Croix : Dieu ne juge pas mais il sauve. Le mal décrié à juste titre vient du péché des hommes et non de Dieu. L’argument athéiste prend sa source dans l’orgueil humain, complice du mal qui préfère la revendication à la gratitude.

Alors pour les chrétiens, quelle attitude adopter face au monde ? Être du monde… non ; mais avoir une mission dans le monde... oui ! C’est le Christ ressuscité qui nous envoie. C’est la mission qui résout le dilemme chrétien, elle nous propulse dans la vraie vie… Alors comment exercer sa mission ? Jésus ne demande au Père qu’une seul chose pour ses disciples : "je te prie pour que tu les gardes du Mauvais". Nous garder du mauvais, c’est faire en sorte que notre identité en Dieu et notre mission se rejoignent… c’est faire la volonté du Père comme nous le demandons dans le Notre Père. Le chrétien reste un homme semblable aux autres, à ceci près qu’il ne s’appartient plus à lui-même. C’est à cette condition qu’il trouve sa véritable place dans le monde ! St Paul dira que c’est le Christ qui vit en lui.

Concrètement, le chrétien ne peut ni imposer sa foi aux autres, ni se compromettre avec l’esprit du monde. Difficile équation à laquelle il doit consentir, sans une certaine souffrance. Alors face au monde, le chrétien cherche à reposer en Dieu. "Si quelqu’un veut me suivre, qu’il prenne sa croix", nous a enseigné Jésus. La croix consiste alors à tout attendre de Dieu, sans pour autant ne rien faire ! Être intendant des dons de Dieu malgré l’hostilité du monde, malgré notre propre péché et nos limites. Être intendant du don de Dieu, c’est résister courageusement, voire héroïquement face au mal, face à l’esprit du monde ! C’est entrer dans le combat de Dieu. C’est parce que vous n’êtes pas du monde, que le monde aura de la haine contre vous, mais c’est parce que vous n’êtes pas du monde… qu’il vous faut avant tout aimer le monde ! Ce monde que Dieu a tant aimé qu’il y a envoyé son Fils unique pour le sauver.

Dans quelques jours nous célébrons la solennité de la Pentecôte. Dans cette situation crucifiante, nous avons un défenseur, l’Esprit de vérité. Le Christ en Gloire l’envoie aux hommes pour les sanctifier dans la vérité, celle de l’amour qui a vaincu le mal à la Croix et nous promet la vie éternelle en Dieu.

Amen

P. Pascal Desbois